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29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 09:11

Ce qui ne manqua pas de frapper Hervé c’est l’immense densité de la littérature antillaise. Si Patrick Chamoiseau est devenu célèbre pour son prix Goncourt avec son roman « Texaco » une fresque sur son île dont le titre est inspiré d’un des quartiers les plus déshérité de l’île, dont Hervé avait une vision quotidienne du Lycée Schœlcher de ses baraques accrochées à la colline où vivait une population, certes pittoresque , mais privée de tout sauf de joie de vivre, d’autres écrivains de la même époque méritent d’être connus dont le rebelle Raphael Confiant dont la langue est étincelante. Dans l’inculture qui se généralise qui sait que les Antilles comptent deux prix Nobel de littérature : Derek Alton Walcott en 1992 et Saint John Perse en 1960. Ces prix Nobel ne sont que l’écume de l’extraordinaire qualité de la littérature antillaise!

Ce qui frappe dans ces littérateurs antillais c’est le retournement de la langue du colonisateur au profit des revendications libertaires et identitaires des îliens.

C’est aussi la revendication de cette identité créole qui créa un schisme avec les fervents défenseurs de la Négritude chère à Aimé Césaire !

Car les Antilles c’est une terre de métissage que l’on ressent à tout moment et Hervé était noyé dans cette ambiance où le camaïeu de teintes était étalé dans tous les villages. Hervé se souvenait des visites de sa mère au Marché Poissons où les injures étaient une sorte de négociation ou au marché de Fort de France où l’expression « doudou » n’était pas forcément amicale ! Et puis il y avait cette fameuse rue des Syriens où les bazars tenus per ces moyens orientaux ou leurs descendants étaient des mines d’or où le marchandage de sa mère faisait merveille. Dans sa commune du Marin deux « syriens » ont fait fortune dans le démarchage à domicile.

Toutes ces histoires étaient inscrites dans le cerveau de plus en plus malade d’Hervé qui n’arrivait quasiment plus à se lever. Il n’avait plus un os, plus un muscle qui restait exempt de douleurs. Il ne voulait plus aller à l’Hôpital où il ressentait plus fortement sa solitude. Les morphiniques arrivaient encore à le transporter dans ces cités réputées qu’il n’avait pu visiter. Istanbul, dont il avait raté la visite à cause d’un attentat survenu la veille de son départ et puis ces pays d’orient qui lui semblaient proches de sa sensibilité. Connaitre le monde, connaitre les gens, se connaitre soi même il avait envisagé toutes ces aventures quand il avait acheté son bateau pour faire le tour du monde ! La vie en a décidé autrement et maintenant qu’il était enchainé par sa maladie, il naviguait dans les éthers qui lui offraient des mondes inconnus mais tout aussi grandioses. Il ne se plaignait guère, sinon du froid qui le saisissait dans des accès brutaux de frissons interminables. Pour essayer de les surmonter il se remémorait son ami Pierrot Guerrier, mort aujourd’hui du diabète, avec lequel il s’était fabriqué sa culture cinématographique et musicale. Dans les poulaillers de la Comédie, à Montpellier, il s’efforçait d’écouter les musiques les plus variées pour en saisir la beauté et le sens. L’écriture musicale n’est comprise qu’après de longs efforts. Mais ils s’entêtèrent, et se payèrent même quelques places au parterre pour une écoute plus précise. Pierrot était un homme de culture dont la lecture fut, toute sa vie, son occupation favorite. Cet homme eut mérité une vie plus heureuse et plus agréable. Il est mort dans une solitude sordide, amputé d’une jambe et abandonné par son épouse et son enfant. Hervé, dans son exil ne prit connaissance de sa mort que des mois plus tard!

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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 16:47

HERVE ( huitième chapitre)

« La Lézarde » fut un choc littéraire pour le jeune Hervé qu’il était, avec ses tendances anticolonialistes qu’il affirmait dans les différentes associations antillo-guyanaises. Ce roman plonge dans l’intimité de l’âme de son pays, avec toute la poésie qu’elle contient, tous les mystères de son imaginaire, toute la relation charnelle qui lie ses habitants à leur île, toutes les révoltes contenues contre la situation de leur pays et surtout cette écriture inimitable qui les relie à leur passé, à leurs voisins latinos et à leurs racines. La rivière qui parcourt le pays est un long cheminement d’une pensée éprouvée par une réalité injuste. Le phrasé musical de cette œuvre accompagne une intrigue dont la lente progression fait apprécier le talent prodigieux de l’auteur. Edouard Glissant a été finaliste du prix Nobel de Littérature et il le méritait bien.

Son séjour au Lycée Schœlcher a été une aventure dont l’épisode essentiel fut la connaissance de Nono. Ce garçon, issu de la bourgeoisie de Fort de France, fut son compagnon inséparable. Il connaissait tout ce qu’il fallait savoir sur ce milieu dont Hervé n’avait aucune idée. Il lui fit connaitre les filles qu’il fallait, lui expliqua las signes de la virginité, l’inclura dans le groupe de la Savane où les bagues les plus salaces étaient sorties sur un ton badin. Il était l’ami de Nirdé , un colosse musculeux qui les protégeait de toute tentative d’agression,. Nirdé était un enfant du Canal Levassor un bar interlope où à la sortie du Lycée, ils allaient jouer sur un babyfoot à quatre bandes tout en écoutant des conversations qui en valaient la peine. Nirdé avait une droite foudroyante et peu de gens lui cherchait noise. Un autre garçon de sa bande était le fils d’une très jolie professeur de lettres dont ils guettaient la sortie et le long baiser quelle offrait à son mari dont elle semblait éperdument amoureuse. Et puis il avait ce rude Mr Armek le professeur de maths dont les colères étaient sublimes si bien que tous s’amusaient à les déclencher. Le professeur d’espagnol était un chieur, dont l’habitude était de faire prononcer des mots imprononçables pour leur coller de mauvaises notes, sachant que la bande passante auditive des antillais était souvent très étroite. Deux de leurs profs étaient inséparables, du même âge, membres du parti communiste, jusqu’au jour où l’un fut saisi par l’ambition politique et sa trahison lui rapporta un des plus beaux postes électoraux de l’île. Mais le plus original fut sans doute leur professeur de philo qui les faisait disserter sur l’œuvre de Jean Jacques Servan Schreiber « Lieutenant en Algérie » publié sur « « l’express » toutes les semaines. La guerre D’Algérie n’était pasla préoccupation majeure des lycéens à ce moment, mais ce zoreille était profondément anticolonialiste et les horreurs qui s’y déroulaient le révoltaient et cela servait de trame aux cours de philo. Hervé lui devait beaucoup dans ses convictions et il fut de toutes les manifestations contre cette guerre. Ses études le préservèrent de cette guerre absurde et perdue d’avance, où la couardise des politiciens se manifesta, une fois de plus !

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26 mai 2014 1 26 /05 /mai /2014 09:19

Parmi les événements marquant qui ont marqué son enfance, deux semblent se détacher : la mort de René Beauregard, régisseur de propriété, ouvrier considéré comme intègre et travailleur, qui brusquement au bout des humiliations, tire sur son employeur et son épouse et tue une troisième personne qui répondait au nom de Robertson. S’en suit une cavale de plusieurs années qui se terminera par la mort de Beauregard, après une longue traque. Dans l’imaginaire du petit peuple il deviendra une sorte de Robin des bois. Son père l’a bien connu parce qu’il passait régulièrement dans son jardin, au petit matin et échangeait quelques mots. Il faut dire qu’à cette époque les tensions sociales étaient maximales et les brutalités des forces au service du système colonial étaient exaspérantes. De nombreux ouvriers agricoles étaient tués lors des mouvements de grève et certains se vengèrent sur un béké qu’ils tuèrent à coup de machettes. L’acquittement de ces ouvriers par la justice, qui les considéra comme en légitime défense fut célébré joyeusement par le petit peuple. Dans son cocon social, Hervé avait peu connaissance des luttes sociales sévères qui se déroulèrent sur l’île et c’est seulement à son adolescence qu’il en prit vraiment conscience. Avec son condisciple Aliker, il était de ceux qui assistèrent, dans une foule énorme, au discours d’Aimé Césaire, lors de sa démission du parti communiste, discours dont l’influence fut considérable et dont l’émotion est encore contenue dans la mémoire d’Hervé. Certains pensent que le fait colonial était une administration par des colonisateurs d’un territoire mais il contenait toutes les injustices sociales, économiques et culturelles avec quelques fois des statuts proches de l’esclavage ! Frantz Fanon conseille de ne pas être pas être esclave de l’esclavage, mais avec toute l’admiration qu’il portait à ce grand auteur antillais de « Peau noire et masque blanc » et des « damnés de la terre » Hervé savait que l’esclavage se poursuivait sous d’autres formes et que la répercussion de l’esclavage sur les familles qui l’ont subi se poursuivaient au delà de siècles.

Les douleurs térébrantes qui le faisaient vibrer interrompaient souvent la réflexion d’Hervé. Ces sinistres accompagnatrices étaient très au dessus du supportable et Hervé qui ne tolérait pas la morphine orale hésitait à se faire une injection qui le mettrait KO ! Il était impossible de s’en détourner tant elles étaient prégnantes et Hervé se résolvait au traitement quand sa capacité de résistance était dépassée ! Alors l’ivresse le gagnait et il retournait à son enfance, à ses promenades sur les mornes, à ses matchs de foot ball sur le fort, à ses contacts avec les chauves souris du tribunal, à ses amis Maurice l’épileptiques, Thomas le souffre douleur de sa tante, Hubert le fis de gros bonda, Henri le matheux. Hubert était le roi pour l’amener voir des filles disponibles dans des soupentes sordides qui lui ôtaient tout désir au grand dam de la demoiselle. Ces amis étaient la charpente d’une société qui l'a recouvert pendant quelques années et qui disparut avec son entrée au Lycée Schœlcher ! Là l’attendaient de toutes autres épreuves, une société aux codes différents, une concurrence avec laquelle il fallait s’affronter !

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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 08:53

André Schwarz Bart a commis deux chefs d’œuvre littéraires qui ont conquis Hervé : « Le dernier des justes » et « La mulâtresse Solitude » qui ont marqué la littérature mondiale, bien que fort contestés par les critiques de l’époque et surtout par ses contemporains. C’est qu’il prenait à revers le caractère martial du sionisme et qu’il avait le tord de ne pas être antillais. Si « le dernier des justes » connut un succès considérable et fut récompensé par le prix Goncourt 1959 « la Mulâtresse Solitude » ne connut qu’un succès d’estime, car on reprochait à ce juif de la diaspora de n’être pas antillais. Pourtant il avait épousé une guadeloupéenne et vécu quelque temps en Guadeloupe.

Hervé n’en avait cure car l’œuvre de cet écrivain fera date dans la littérature contemporaine !

Hervé lisait depuis sa plus tendre enfance. Couché sur le ventre et sur ses coudes il dévora tout ce qui lui tombait sous la main, depuis les romans paysans, jusqu’aux classiques dont il trouva les fascicules sur le bureau de son père en passant par les romans d’Eugène Sue, Michel Zévaco, Il lisait presque sans s’arrêter et Joseph Conrad, Alexandre Dumas, Jules Vernes, les chansons de geste et tous les autres furent les victimes de sa voracité de lectures.

Dans sa bibliothèque actuelle il lui reste beaucoup de ces livres qui ont forgé une partie de sa culture et les seuls ouvrages littéraires qui n’ont pas gardé une place particulière dans son Aventin littéraire sont ces romans bourgeois qui trainaient à longueur de tomes les aventures et déboires d’une bourgeoisie insignifiante.

Car cette bourgeoisie n’avait aucune place dans son imaginaire, où toutes les aventures avaient le piquant de l’exceptionnel. Comme cette Camille sa voisine d’enfance, sophistiquée jusqu’au bout des ongles, avec un art du maquillage qui tenait du génie Elle le prenait souvent sur ses genoux et d’aucuns murmuraient que c’était un appel du pied à son père. Elle était la femme d’un neveu du propriétaire des Salines et sa vie était faite de conquêtes successives dans ce village où elle était la reine.

Car Le Marin était une société bien stratifiée. Au dessus il y avait les propriétaires terriens, producteurs de sucre et de rhum, descendant des premiers colons qui n’ont jamais mêlé leur sang, du moins officiellement avec les autres habitants de l’île : on les appelle toujours maintenant les békés ! Au dessous toute cette petite classe moyenne faite de commerçants, d’instituteurs, des fonctionnaires des contributions directes ou indirectes, du médecin, du notaire dont les coucheries créaient les chroniques des conteurs ou des médisants. Cette classe qui croyait détenir le pouvoir et qui n’était que les faire valoir de l’élite économique des commandeurs énigmatiques que l’on ne rencontrait jamais. Il a fallu l’apparition d’Aimé Césaire pour commencer à faire prendre conscience aux habitants de l’île de leur véritable condition ! Hervé garde un regard attendri sur Léopold Bissol qui fit l’objet de beaucoup de moqueries mais qui fut fidèle tout au long de sa vie à ses engagements ! La misère était partout dans le village et Hervé la rencontrait dans des rues sordides, dans le village où des gens survivaient dans une crasse épaisse et dans une gentillesse extrême. Des rues qui lui étaient interdites Hervé les parcourait sans aucune appréhension et sous les regards bienveillants d’un quart monde qui avait pour la jeunesse des sentiments affectueux !

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24 mai 2014 6 24 /05 /mai /2014 08:17

Il fut un temps où Hervé avait beaucoup lu Jerzy Kosinski, cet auteur américain d’origine juive polonaise, dont les œuvres avaient souvent causé quelques remous mais dont le talent ne fut jamais mis en cause car il fut récompensé par de nombreux prix littéraires. « L’oiseau bariolé » fut, pour lui, une révélation où l’innocence d’un enfant était confrontée à la barbarie de la guerre. Kosinski dont le pessimisme s’étale dans toutes ses œuvres s’est suicidé comme beaucoup d’auteurs juifs ayant été confronté à l’extermination de leur famille et de leur monde. Pour Hervé, ce roman dont le titre fait allusion à une pièce d’Aristophane, et à la pratique cruelle du bariolage des ailes d’un oiseau pour l’empêcher d’être reconnu par ses congénères qui finissaient par le tuer, est un chef d’œuvre ce qui était aussi l’avis de son beau frère, agrégé de lettres pures. Dans les années qu’il traverse maintenant cet oiseau bariolé est souvent présent à ses côtés. Chacun, un jour a la trajectoire de cet oiseau et la détermination de survie de l’enfant peut être d’un grand secours. L’exil est un bariolage !

Chacun n’a pas les mêmes chances dans la vie et le dernier de ses frères n’en a pas eu beaucoup. Hervé a beaucoup de tendresse pour ce petit frère qui avait la main sur le cœur, prêt à rendre tous les services et avec qui il s’entendait parfaitement. Ses vacances à la Martinique, dans les temps qui suivirent leurs divorces, il habitait dans cette grande maison que son frère avait fait bâtir en face de la mer, et malgré des migraines exorbitantes, ce petit frère faisait tout pour lui rendre son séjour agréable, malgré la période de vaches maigres qu’ils traversaient tous les deux. Hélas Yves avait un caractère très coléreux et très têtu qui l’empêchait d’écouter les conseils, et malgré des talents commerciaux incontestables qui lui permirent de faire la fortune de beaucoup, il fit, pour lui de mauvais choix dont il ne put s’en sortir. Hervé garde en lui le malheur de l’avoir perdu car ils avaient en commun cette générosité, ce dévouement, cette affection commune qui furent irremplaçables.

Hervé, n’avait pas beaucoup fait attention aux terribles colères de son frère et à ses migraines insoutenables ; il en est presque sûr, maintenant, qu’elles étaient les manifestations d’une dégénérescence artérielle dont a souffert la plupart des membres de sa famille dont deux en sont morts plus tard. Yves n’avait fait que les précéder !

Pourtant, dans ses périodes d’accalmie, il était un bout en train, un organisateur hors pair, et surtout il connaissait presque tout le monde sur l’île, des hommes et des femmes de toutes conditions et il était aimé de tous. Pendant une période il a vécu chez Hervé, alors qu’il faisait des études à Montpellier et c’était un si charmant garçon que le peu de temps qu’il passa dans le village il fit grosse impression et se fit la réputation d’un garçon adorable. Ce qu’il était vraiment car dans nos sorties en famille sur les plages avec toute la famille , il fut le chef d’orchestre s’occupant du Matoutou et du pâté en pot, tout en hélant avec son père les yoles des pêcheurs auquel il achetait les poissons, les homards et autres crustacés !

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23 mai 2014 5 23 /05 /mai /2014 08:12

Comme tous les enfants Hervé ouvrait et fermait la porte de l’armoire pour découvrir ce qui se cachait derrière le miroir et, malgré son insistance et sa ténacité, sa recherche fut vaine comme elle est vaine pour la plupart des hommes car ce qui s’y cache est notre imagination, ce vase de recueil de nos virtualités. Mais Hervé était un enfant curieux qui se promit de le découvrir. Il était aussi un garçon sensible qui humait le conflit dans cette grande maison. En attendant sous la surveillance de sa doudou, il découvrait le jardin parfaitement entretenu, où certaines fleurs portaient piquants qui le rendaient prudent. Puis il y avait cette grande salle d’eau carrelée à la droite du jardin où des crapauds montaient la garde pour l’empêcher de pénétrer. Hervé a toujours eu avec les crapauds des rapports conflictuels qui persistent encore actuellement. Pourtant rien n’est plus gentil ni plus utile qu’un crapaud que l’on peut facilement domestiquer le tout étant affaire de patience, mais les crapauds de son enfance l’avaient vraiment dégoûté de l’espèce.

Hervé se souvient encore de sa première journée d’école, il avait trois ans et son institutrice, l’avait pris dans ses bras alors qu’il braillait à qui mieux mieux ; Il hurla jusqu’à la fin de la matinée et qu’enfin son père vienne le récupérer. Il comprit alors l’inutilité de ses cris et tout se passa bien l’après midi. D’ailleurs il était un privilégié car sa doudou lui apportait son lait et son goûter dès sa sortie de classe. La doudou était une sorte de maman de remplacement et les deux dont il se souvienne, les deux premières, sont encore présentes dans ses sentiments.

Cette petite enfance, dans un lieu qu’il considère encore comme enchanteur, fut déterminante dans son caractère et lorsqu’il affronte maintenant une maladie qu’il ne vaincra jamais, c’est vers ces moments là qu’il se tourne avec tendresse.

La fièvre le harassait, il avait du mal à se lever et toute contorsion lui est interdite, mais la fièvre le sort de sa condition et lui permet des voyages fantastiques. Ainsi alors qu’il était hospitalisé dans un hôpital universitaire toutes sortes de grands personnages lui rendaient visite avec des mesures de sécurité draconiennes. Il avait l’occasion d’exposer ses points de vue à une assistance qui le lui demandait. Son rêve s’évanouissait avec la venue de l’infirmière pour sa tension et sa température. Ses médicaments le faisaient transpirer et il était forcé de se lever pour se changer. Ses voyages sur la mer des Antilles pour des destinations féeriques, dans des eaux tumultueuses et tapageuses, sur des bateaux chargés de ses délires étaient de grands moments où il maîtrisait les éléments dans une allégresse souvent bruyante qui inquiétait ses soignants.

Que de personnages avaient fait la richesse de son existence ! Papy par exemple, un barbadien exilé sur son île et dont l’atelier de tailleur fréquenté par toute la bourgeoisie locale ; ce qui faisait l’admiration d’Hervé était sa tenue, toujours impeccable, dans son trois pièces cravate et ses chaussures italiennes bien pointues qu’il avait du mal à retirer le soir. Ses pieds restaient douloureux une bonne heure avant qu’il puisse se lever. Cet homme élégant est mort dans un hôpital lyonnais, dans l’indifférence générale !

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22 mai 2014 4 22 /05 /mai /2014 08:54

Un de ses délires quasi quotidiens conduisait Hervé à cette jeune femme, d’une beauté irréelle, portant robe blanche large et la tête entourée par un fichu d’esclave, qui l’accueillait avec un large sourire, découvrant des dents d’une grande blancheur. Elle avait une voix douce et lente comme si elle s’adressait à un très jeune enfant. Elle lui parlait de ses deux fils dont l’un était officier de marine et l’autre instituteur. Elle en était très fière car, disait elle, ils étaient très brillants. Elle parlait longuement de son enfance, elle qui était née dans un de ces coins perdus de l’île, pourtant un de ces greniers, le Vert Pré ! Sa vie n’avait pas été de tout repos car elle avait toujours été considérée comme une mésalliance à cause de la couleur de sa peau. Elle lui apprit qu’elle était sa grand-mère et qu’elle avait connu une grande joie lors de sa naissance. Hervé l’avait entre aperçue, à deux reprises, de façon très éphémère. Elle se glissait tel un fantôme dans la chambre du fond de la maison familiale où elle était recluse par sa maladie. Hervé ne savait pas qui elle était et ne sut jamais ce qu’elle était devenue car il navait qu’un peu plus de deux ans lors de ces apparitions. Dans sa mémoire s’étaient gravés ses habits : une robe blanche et un fichu d’esclave !

Cette grande maison d’une partie de son enfance donnait sur la baie du Marin, immense pour le gamin qu’il était, avec des volets que l’on clouait lors des avis de cyclone. On y accédait par un grand escalier qui donnait sur un large couloir qui distribuait les chambres qui toutes donnaient sur la mer sauf celle où habitait sa probable grand-mère.

La baie du Marin, sûrement une des plus belles du monde, et un cul de sac qui protégeait les embarcations des tempêtes, a été saccagée par le tourisme. C’est là qu’il a ressenti les premiers symptômes de sa maladie avec un écœurement qui ne l’a pas quitté de la soirée. Mais il n’en savait rien et il pensa longtemps que c’était la défiguration de sa baie qui était la cause de son malaise.

Car c’est vrai que c’est sur ce bord de mer que son enfance s’était déroulé dans une insouciance et une joie dont il avait été marqué. Il se souvient encore de ses rondes, de ses chansons, de ses jeux, de sa première émotion, de sa première petite fiancée qui répondait au prénom de Simone. Le Marin ne fut pas seulement un point de départ mais une véritable trame sur laquelle il a tissé sa vie.

Certains se demandent comment un si petit lieu géographique a pu donner tans de personnalités de valeur, dont des musiciens, des écrivains, des médecins, des professeurs d’université, des chefs d’orchestre, des hommes de loi, un commissaire de la République, des magistrats mais Hervé avait la réponse : des instituteurs d’une exceptionnelle qualité et d’un dévouement à toute épreuve et la baie où se noyait le soleil couchant dans un horizon dont chacun voulait découvrir la limite.

Alessandro Baricco a écrit une œuvre sur la curiosité qu’inspire l’horizon « Océan mer » qu’Hervé avait adoré tant il se sentait proche de ces préoccupations. L’appel du large est l’appel de la connaissance, ce n’est pas seulement la découverte de l’inconnu, c’est l’appel de la découverte de soi !

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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 12:45

Donatien était un saxophoniste de talent qui animait les soirées de la Dunette avec sa petite formation ; La Dunette s’ouvrait sur la plage de Sainte Anne où Hervé avait ses habitudes. Les plages les plus courues de la Martinique se trouvaient sur cette commune : « La pointe du Marin, Anse Caristan, Anse moustique et la sublime plage des Salines ». Lors de sa petite enfance, aller aux Salines étaient une véritable expédition et Herve se souvenait d’un terrible accident de Car qui avait couté la vie à un des passagers et qui, par la suite, avait conduit le conducteur propriétaire au suicide. D’ailleurs aller à Fort de France demandait une volonté certaine : se lever à quatre heures du matin pour prendre le bus vers cinq heures dans un autobus surchargé, sur des routes caillouteuses, avec tous aléas que cela pouvait comporter et en particulier les crevaisons avec la préoccupation, en plus d’arriver avant son rival, Hervé s’en régalait ! Il avait certes pris la pétrolette qui accostait sur le quai du Marin, dans le tohubohu de l’embarquement, mais rien ne valait les conversations, les injures et les plaisanteries grivoises des passagers de l’autobus ! Les « bondamammanre » s’échangeaient sur tous les sièges et les répliques étaient du même acabit. Les routes sinueuses et les cahots faisaient rebondir les doudous sur l’enfant qu’il était et c’était là un autre sujet d’amusement. L’arrivée a Fort de France était un triomphe ou une défaite suivant l'ordre d’arrivée.

Hervé devait d’être de ce monde à la pétrolette où son père et Bouzou s’en allait chercher les bonbonnes d’oxygène pour lui permettre de respirer lors de la pneumonie qui l’avait frappé à l’âge de deux mois ; peu de gens en réchappait à cette époque et depuis que

sa mère lui avait conté cet épisode il s’était senti comme un rescapé et s’était comporté comme tel. La vie était un rab qu’il s’était efforcé de consommer comme tel avec les succès et les échecs auxquels il n’avait attaché qu’une importance relative !

Pourquoi Henri faisait irruption dans sa mémoire, ce fils de pêcheur misérable, dont l’intelligence lui avait toujours paru considérable et qui malgré les handicaps de sa situation était devenu un professeur de mathématiques émérite sans perdre sa décontraction et une espèce de discrétion. Manuel qui venait nu pieds à l’école, s’était renfermé dans sa concentration pour arriver au poste de chef de service dans un hôpital régional de grande importance. Le Morne Gommier n’est plus ce qu’il était mais le pénétrer au temps de l’enfance n’était pas chose facile pour Hervé, avec la crainte de faire la rencontre du célèbre Trigonocéphale qui avait pris la vie de son copain des champs qui habitait sur le morne à coté de chez lui. Alain, lui, était le coq du village, footballeur de talent aux dribbles chaloupés dont il abusait inefficacement, avait gardé une place dans sa mémoire, mais une place secondaire tant d’autres personnalités l’avaient marqué !

A suivre

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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 11:15

Herve ne pouvait s’empêcher de penser à la première fois où il avait commencé à lire « Ulysse » cet immense roman de James Joyce. C’était dans un train qui l’amenait à Montpellier il y a cinquante ans environs. Il prenait le train car sa voiture était hors service après un accident. Il roulait peut être un peu plus vite que d’habitude quand le véhicule qui le précédait heurta violemment un cycliste et stoppa brutalement. Hervé réussi à immobiliser son véhicule juste avant le choc mais le camion qui le suivait le catapulta sur le véhicule accidenté, Avec les conséquences que l’on peut soupçonner ! Il était privé de sa voiture pour un bon mois mais le cycliste était mort et le conducteur en cause était gravement blessé. Hervé avait, comme cela des rappels du passé dont la précision l’étonnait lui-même et il pouvait raconter des souvenirs datant de sa plus petite enfance qu’il savait faire revivre avec une minutie d’horloger. Et pourtant il lui arrivait de ne point mettre un nom sur un visage connu et les noms propres lui causaient de réels problèmes de mémoire. Clark pénétra sa réflexion, lui qui trouvait génial le petit roman de Milan Kundera « La fête de l’insignifiance » peut être le roman le plus lu actuellement dans toute l’Europe. Il est vrai que son format et l’élégance de son écriture pouvaient le placer entre toutes les mains, mais il n’était pas certain que sa signification soit saisie par tous ! Quand la réalité et l’imaginaire s’entrelacent l’intelligence peut perdre quelques repaires. Hervé savait très bien que la mouche qui voletait dans son cerveau n’avait pour but que de l’amuser dans des pérégrinations qu’il finissait par adorer comme il adorait cette fièvre permanente dont il était greffé et qui l’entrainait dans des délires exquis dont quelques uns vous seront contés dans cette nouvelle. Mais le moment qu’il préférait était la nuit, cette nuit profonde et dense où quand il en avait terminé avec ses douleurs il entrait dans le royaume des rêves dont il avait réussi à maîtriser une grande partie. Son onirisme était infini comme l’éternité et fera l’objet d’anecdotes dans le récit. Le moment essentiel qui avait sa préférence c’est quand il réussissait à sortir de son enveloppe charnelle pour la survoler, il avait une impression de puissance et de légèreté qui le ravissait et il jouissait de sa liberté dans une joie intense, qui le faisait rire aux éclats. Il parcourait des contrées d’hommes qu’il n’avait jamais pu visiter et qui l’avaient toujours fait rêver, il rencontrait des hommes bizarres qui le trouvaient tout autant bizarre, il nageait avec ces dragons qui avaient effrayé son enfance, il rencontrait des hommes d’antan dont la férocité n’était qu’un fallacieuse apparence, il avait cette ivresse de pénétrer dans le cœur de l’humanité qui n’avait pas bougé depuis son apparition et qui l’accueillait en son sein comme tous les enfants de ces hommes. Les douleurs le faisaient redescendre de ces sommets vertigineux mais il sentait en lui une sorte d’apaisement qui les rendaient plus acceptables A SUIVRE

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19 mai 2014 1 19 /05 /mai /2014 10:33

Qu’un trader qui, pour le moins, a participé au système spéculatif de la finance internationale, fasse l’objet de manifestations de sympathie excessive, me parait être un témoignage accablant de l’étalonnage bancal de nos valeurs éthiques ; qu’il soit le seul à être condamné dans cette entreprise malsaine de financiarisation à outrance de l’économie de notre pays est, là aussi, très contestable ! L’éclairage de ces évènements porte, en lui-même, un jugement sévère sur les élites financières et sur tous ceux, qui tenant les leviers économiques, plongent dans cette économie stérile pour notre pays et pour son peuple ! Et dire que certains voudraient installer un gouvernement des entreprises qui a, pourtant, échoué partout ailleurs. Les entrepreneurs et les patrons sont faits pour conduire des entreprises et les politiques pour diriger un pays ! Car un pays n’est pas une entreprise, il ne s’agit nullement de décider uniquement de son équilibre financier et de sa rentabilité, mais de veiller à des équilibres humains, de prendre garde à préserver des valeurs éthiques qui forgent la nature d’une nation, de faire une politique de santé publique qui soit à l’avantage de sa population, de promouvoir une politique d’éducation et de formation qui maintienne à un niveau élevé les capacités de création industrielle et scientifique de cette nation, de maintenir le rayonnement de cette nation dans le monde par la diversité des innovations artistiques et culturelles de cette nation . Ceux qui veulent attenter au régime des intermittents du spectacle n’ont pas, dans leur imaginaire, l’extraordinaire attraction, pour les populations mondiales, de la densité de la création artistique et culturelle de notre pays ! L’économisme pauvre et stérile pour les esprits qui prévaudrait serait une morte lente pour la puissance française.

L’entreprise et ses dirigeants ont toute leur place dans la vie de cette nation mais ils ne sont qu’un des éléments des acteurs économiques et politiques d’une nation ! Que l’on n’oublie pas, comme le font certains dirigeants de la droite et de l’extrême droite que la France est un pays multiple, formé de peuples divers, où quand les hordes germaniques ont déferlé il existait des peuples : les gaulois, les celtes, des ligures,les ibères, les basques, les catalans, les latins auxquels se sont rajoutés, plus tard les normands. Il a fallu une volonté centralisatrice des dirigeants de ce pays pour en faire un pays unifié et bon nombre de guerres dont la longueur et l’atrocité sont dans tous les manuels d’histoire. Les mouvements de population sont les modes normaux de peuplement à travers le monde et à travers l’histoire et c'est un manque total de culture historique que de croire qu’on arrivera à les endiguer ! Ce qui est important ce n’est pas la nature de ces peuples mais leur volonté de vivre ensemble et d’avoir, dans leur imaginaire, la perspective d’un destin commun ! Dans le melting pot qui sera créé par les changements climatiques extrêmes que prépare le réchauffement climatique, cette notion sera primordiale. Dans les périodes de grand refroidissement qu’a subies l’humanité c’est cette solidarité qui a permis sa survie.

Le métissage de la population mondiale est inéluctable, ceux qui la nient sont des ignares. Ce métissage est indispensable à notre renforcement génétique pour les dures années que nous avons en perspective ! Alors voyons le comme un facteur de survie et comme un facteur de communion !

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ayant beaucoup de correspondants je n'ai pas le temps de répondre à chacun car je privilégie les visites à vos blogs merci de votre compréhension!

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