RABOUGRISSEMENT

Il il est particulièrement paradoxal qu’un pays qui est placé dans la zone économique la plus active du monde, dont le territoire s’étend sur tous les continents et dans toutes les mers du monde, qui fait partie d’un ensemble plurinational dont la langue est la seule à être appelée à un développement considérable pour devenir la première langue parlée du monde, dont l’histoire a montré ses grandes capacités à se projeter dans le monde, dont les écrivains, philosophes, architectes, musiciens, mathématiciens, économistes sont parmi les plus connus et les plus influents de la planète, un pays qui a su puiser dans la diversité de sa démographie des ressources essentielles et des talents de réputation mondiale soit ce pays qui aspire au rabougrissement de sa pensée, au bornage de son horizon, au rétrécissement de son influence, à la réduction de son impact, à la limitation de ses capacités d’implication dans la vie politique mondiale.

Cette situation est difficilement compréhensive et elle est vectrice d’une peur de l’autre qui tient du délire et d’une vision de la situation de notre population qui a tout du fantasme.

Certes la situation internationale n’est pas propre à rassurer mais sa transposition dans notre pays relève d’une absence totale de réflexion et d’une analyse qui est plus près de l’émotion que de la réflexion. Il est difficile de comprendre comment une nation sûre d’elle et fière de l’être a pu ainsi muter en un pays dont la peur de l’autre est aussi prégnante, aussi paralysante et aussi pénalisante.

Car cette situation et cette attitude mais surtout cette posture renforcent notre vulnérabilité, car un pays qui n’avance pas est un pays fragile, un pays craintif est un pays qui recule et dont les positions dans le monde sont à la merci de nations plus offensives, plus ambitieuses et plus déterminées. Nous avons constaté que les opérations militaires que nous avons lancées, quelles que soient les arrières pensées que nous sommes amenés à percevoir, a permis à notre pays d’affirmer un caractère qui a été payant dans la libération de nos otages ! Hélas ce caractère ne se retrouve plus dans l’attitude nos élites politiques et dans leurs propos qui continuent à véhiculer une analyse négative et désespérante de notre pays laissant se développer des thèses passéistes, xénophobes et racistes sans commune mesure avec une quelconque menace.

Il n’est pas niable que sur la France comme sur les d’autres pays il existe une menace terroriste, il encore pas niable que notre pays a subi des actions terroristes sanglantes et mortelles dans un passé relativement récent, c’est indubitable que notre repli d’Algérie est encore durement ressenti par une partie de notre population, mais est ce raisonnable de faire payer à la population musulmane le prix des actes de quelques uns ? N’est ce pas une attitude à favoriser la radicalisation des jeunes qui ont déjà la pression de la stigmatisation ambiante ? Dans un article récent la question était posée de savoir si certains ne choisissaient pas la barbarie plutôt que les humiliations quotidiennes, la stigmatisation ambiante, les discriminations dans tous les domaines, l’absence totale de perspectives et un chômage irréductible. Je n’ai toujours pas la réponse mais j’ai l’intuition que la solution se trouve dans l’amélioration des conditions de vie, dans l’amélioration des capacités à affronter les problèmes, dans l’empathie d’une société plus accueillante, plus juste, moins discriminante, plus apaisée, toutes ces conditions qui sont liées au relèvement du niveau éducatif et culturel !

Le terreau du terrorisme se trouve aussi dans nos comportements individuels et collectifs. Il est particulièrement négatif de parler de racines car si des racines sont indispensables à la croissance d’un végétal, le réseau souterrain qui permet la survie des racines est varié et particulièrement riche !

Ce pays n’a jamais été un pays d’un seul peuple : entre les gaulois, les francs, les méditerranéens, les basques et les ibères les croisements ont été nombreux et ceci dès ses origines ; ces croisements ont été enrichis par l’apport de la diversité migratoire qui lui a permis de posséder des qualités universelles !

Au moment où certains mettent en cause ses origines indoeuropéennes il est réconfortant de savoir que de nombreux peuples qui la composent ont le sentiment d’un avenir commun. Cette conscience d’appartenance à une nation commune me parait plus important que les racines !