VAGABONDAGE (suite)

Je suis persuadé que Mr Bayrou n'attend pas grand chose de mes réflexions, mais sa main tendue a quelque chose d'émouvant; pourtant il m'en faut beaucoup pour me sortir de ma réserve. Car, comme ces indiens que l'on a parqué sur le petit bout de territoire que l'on a bien voulu leur concéder après le viol et le vol de leur pays, je garde en moi les souvenirs coupables de mes défaites et j'ai refoulé dans les profondeurs de ma honte, aidé en cela par quelques marchands de pacotilles informatiques, les pulsions de vivaces réactions qui furent celles d'une autre vie, celle de mon insouciante jeunesse. Mais , alors que retentit une cloche inconnue d'un horizon  fini, le fleuve n'a de barrage que l'espérance absurde d'une énergie que l'imaginaire entretient pour le théâtre visible d'un monde dont la chaleur me réconforte. Alors, après toutes ces batailles perdues en rase campagne maladroite et plombée, je sens en moi le désir d'en gagner une belle. J e n'ai pas pour le succès une affection particulière, ni pour Mr Bayrou d'ailleurs; mais, même si ma stratégie n'est pas au goût du jour, le soleil déclinant de mon existence, éclaire quelque peu  mon chemin. Non de cette éclatante clarté de  la certitude, non de cette lumineuse vision de ma conception d'une société juste mais de cette flamme vacillante d'une nation enceinte de moins d'injustices. Je n'ai pas le ton tranché , lourd et définitif de ceux qui possèdent en eux la vérité, qui en d'autres temps où la lucidité avait quelque place dans le jugement du plus grand nombre eussent fait l'objet de mes applaudissements, je veux parler des Mélanchon, Besancenot, Buffet et consorts. Mais je ressens comme un écoeurement devant les gourmandises que dévorent les prédateurs; leur voracité me glace les humeurs, mais ni la chaleur ni le froid ne se sont pour quelque chose dans les choix que j'opère. J e n'ai pas l'opinion"climatique" et mon sort importe peu. Mais ceux ds millions de mes congénères et ceux des millions d'héritiers de mes congénères ont pour moi quelque importance. Et si je n'avais pas la certitude que l'actuelle politique nous rapprochait du mur je vous aurais fait part de mon silence. Mon opinion est donc une manoeuvre d'évitement , qui peut encore sauver ce qui reste a sauver: j'accepte  donc cette main tendue pour éviter le mur; il sera toujours temps de reprendre en main le train du progrès.