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31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 09:17

La vie d’Hervé était sur le point de s’achever, une faible lueur éclairait encore son esprit. Depuis longtemps cette issue était inévitable et il avait eu le temps de faire le point. Il était loin d’avoir effectué un parcours parfait, mais il s’en contentait. Il n’avait fait de mal volontairement à personne et avait réussi à élever une famille avec des résultats qu’il jugeait satisfaisants. Il n’avait pas seulement parcouru son époque mais avait eu plaisir à parcourir le temps ! Sa curiosité n’eut de limite que sa fainéantise. Les philosophes grecs ne lui ont pas apporté la sagesse mais le goût de la réflexion, les écrivains romains ont rempli son livre d’histoire. Les chansons de geste lui ont appris que la poésie est éternelle, le théâtre fut pour lui une source de plaisir sans cesse renouvelé, la musique a sonorisé une grande partie de son existence à travers les compositeurs de toutes les époques et de tous les genres, le temps des cathédrales lui a permis d’apercevoir le génie grandiose de l’homme, les philosophes de lumière ont éclairé son chemin vers la liberté ! Tout ce qu’il avait lu lui a donné la conviction de l’unicité de l’homme. Il a essayé d’interpréter l’histoire à travers le récit des historiens dont il a su très vite qu’il s’agissait de thèses et d’interprétations, il a découvert que les atroces guerres de religions étaient, en fait, des conflits de pouvoir. Les économistes lui ont ouvert l’esprit sur le pouvoir de l’argent sur la société. Il a aimé Marx dont la logique implacable a oublié le facteur humain. Les économistes libéraux ont facilement gagné la partie à cause de la suprématie technologique des états qui les soutenaient. Deux livres ont imprimé son cortex ; « Les bienveillantes » qui lui a fait toucher l’horreur extrême du Nazisme et la barbarie de ses adeptes et la « la destruction des juifs d’Europe » sur le fléau de l’antisémitisme. Il a toujours conservé sa combativité pour défendre des convictions que sa culture avait forgées et les a portées jusqu’au bout de sa vie, il a été subjugué par la beauté des mathématiques qui lui ont paru un des sésames de la compréhension du monde, il a été ébahi par la grandeur de l’univers, il a admiré les hommes de génie qui ont permis de si grands progrès dans le domaine de la connaissance, il fut un fan des artistes de toutes disciplines qui interprétaient le monde pour la compréhension de tous, il sut très vite que les progrès technologiques allaient devenir, si l’on n’y prenait garde, un véritable carcan pour l’avenir des sociétés, qui seraient soumises aux dictats de conglomérats qui acquéraient un pouvoir de pression considérable sur l’ensemble de l’humanité. L’humanité avait été sa passion et son caractère premier et le dernier des humains était, pour lui, l’égal des plus puissants. Cette humanité qui n’était pas la préoccupation de ceux qui détenaient une parcelle de pouvoir. Son père a eu un accident vasculaire cérébral, et lors de sa visite, il constata la véritable terreur qui se lisait dans ses yeux ; il en fit part au chef du service, dans lequel il était hospitalisé ; celui-ci lui répondit que ce patient n’avait aucune douleur qui méritait une médication ; s’en suivit une discussion violente et l’on finit par donner à son père les tranquillisants dont il avait besoin ! S’en suivit une détente du visage du patient et un regard de reconnaissance. Une autre fois, alors qu’il attendait son intervention chirurgicale et qu’il était en train de lire « Le journal de pensée d’Hanna Arendt », le chirurgien cardiaque qui lui rendait visite lui dit, tout de go, qu’il ne lisait jamais Hanna Arendt parce qu’elle avait été la maitresse d’ Heidegger. Il eut la sagesse de se taire mais il pensa immédiatement à Arletty qui, lorsqu’on lui reprocha ses liaisons avec des allemands pendant la guerre répondit « mon cœur appartient à la France mais mon cul m’appartient et j’en fais ce que j’en veux ». Sa rectitude morale lui interdit toujours la dictature du moralisme !

Hervé ne sut jamais qu’il était mort, il fut incinéré et ses cendres, dispersées dans l’Atlantique allaient effectuer le voyage qu’il n’avait pu réaliser !

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commentaires

B
mourir sans le savoir... quelle belle fin !
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J
Arletty, voilà une femme qui avait du bon sens !<br /> Et Hervé va s'éteindre....<br /> La vie continue cependant mais pas telle qu'on aimerait la voir en ce moment.<br /> Bonne journée Mocekx.
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A
Un final conforme à son existence ,la boucle est bouclée !
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